Mes plongées avec les crocodiles géants
Botswana
C’est en 2006 que je me suis dit qu’il était possible de filmer les crocodiles du Nil dans leur habitat naturel, l’Okavango. C’était évidemment l’inconnu pour moi surtout quand on sait quelle réputation ont ces bestioles
Nous ne disposons d’aucune statistique sur les risques d’accident en plongée. On a des informations avec les requins, mais rien sur les crocos… Toute la difficulté était là ! Quels étaient les risques que j’allais encourir ? Dans ma tête tout allait bien. J’ai bien sûr eu des moments de doute où je me suis dit que je ne reviendrai peut-être pas mais dans l’ensemble j’avais plutôt bien évalué la situation en me disant que j’achèterai bien sûr un billet d’avion Aller ET retour…
Le voyage de 2006 fût un échec total. J’y suis allé trop tard et l’eau n’était pas claire… Je suis donc retourné en Juin 2007 et ce fût complètement différent. Bien que nous soyons en hiver, le niveau de l’eau était au plus haut. Et l’eau était très claire. On voyait le fond à plusieurs mètres.
Nous logions au Swamp Stop dans le Panhandle. En tente évidemment. Le lodge est très bien, juste sur la rivière. Près du bar, il y avait un crâne de crocodile qui nous rappelait que nous partions tous les matins à l’aventure…
Dans le mot Aventure, il y a bien sûr la notion de non retour… J’avais emmené ma fille Clélia qui avait 11 ans à l’époque et nous avions fait la route depuis Durban avec Mark Addison et sa femme.
Je dois être honnête, la première mise à l’eau fût angoissante. Nous avions vu le crocodile sur la berge, en train de se dorer la pilule au soleil, la gueule grande ouverte.
Je me souviendrai toujours de ce que m’a dit ma fille à ce moment là : « Papa, j’ai peur… » Et moi de la rassurer en lui répondant « Ne t’inquiète pas, ce n’est qu’un gros lézard qui dort au soleil… » Il fallait juste qu’elle me croit le temps de la plongée…
Je me suis alors glissé à l’eau et ai nagé vers lui. Mais il a rapidement disparu sous l’eau. Je savais que je n’avais plus rien à faire en surface et j’ai immédiatement vidé mes poumons pour atteindre le fond. J’ai trouvé le sable à 5 mètres de profondeur et ai continué ma progression en direction de la berge. Mais c’est là que les choses se sont compliquées. Il y avait des racines et des roseaux qui étaient le lieu d’embuscade idéal pour un crocodile. J’avançais alors centimètre par centimètre, convaincu qu’il était caché, immobile, pas loin du tout. Ma main gauche écartait les roseaux un à un tandis que ma main droite tenait fermement la caméra.
« Soudain, l’énorme crocodile a commencé à bouger… »
"Tout ce que je voyais, c'était ses dents blanches"
Après avoir parcouru une trentaine de mètres contre le courant sans le voir, j’ai fait demi tour, convaincu qu’il devait être parti de l’autre côté. Le voyage du retour fût plus détendu, encore que… C’est après avoir palmé sur une quarantaine de mètres que je vis enfin deux grosses écailles qui dépassaient d’un surplomb. C’était l’extrémité de sa queue. J’ai alors doucement écarté le rideau de végétation qui masquait l’entrée et j’ai vu une patte énorme, les griffes plantées dans le sable jaune d’or. Il était bien là. La peur de l’inconnu m’abandonnait peu à peu mais était remplacée par la peur de l’animal qui devait mesurer un peu plus de 5 mètres de long.
J’ai tout de suite fait quelques plans mais après une minute ou deux, mes bulles ont du lui faire peur. Sa tête énorme s’est levée puis il a nagé doucement sous le tombant pour ressortir quelques mètres plus loin et disparaître dans les méandres du fleuve.
Cette année là, je ne vis le crocodile que 3 fois, jamais pour très longtemps. 2008 fût différent.
« Tout le monde meurt mais tout le monde ne vit pas… »
J’avais emmené Roger Horrocks, un plongeur sud africain qui était à l’aise avec les requins. Mais les crocodiles étaient un domaine complètement nouveau pour lui et ses interviews avant ses premières plongées sont assez drôles…
Nous sommes retournés au Swamp Stop et avons exploré méthodiquement le fleuve. Le fait de plonger à deux, et même à trois avec Corinne, était tout à fait rassurant. Le fleuve n’était plus l’inconnu et les arbres immergés offraient déjà un spectacle étonnant.
Mais nous avons également découvert un univers dont jamais je n’aurai soupçonné l’existence : La forêt de papyrus ! L’eau cristalline qui circule sous les racines empreinte d’interminables galeries immergées. On y découvre des couloirs de sable dans lequel le courant s’accélère pour ralentir lorsque il atteint des chambres sous-marines plus vastes. Les rayons du soleil filtrent par des puits de lumière qui éclairent la scène. Quel spectacle !
Aussi bizarre que cela puisse paraître, filmer les crocodiles n’est pas une chose simple. Comme tous les super-prédateurs, ils sont plutôt rares et il faut souvent parcourir de grandes distances en bateau pour les voir. Un matin de Juillet, nous avons fait une rencontre exceptionnelle avec un crocodile qui s’est laissé approcher… Il ne bougeait pas et nous avions l’impression d’avoir été invités dans son Royaume : Inoubliable.
Mais ne nous trompons pas, chaque retour de plongée était comme un retour du champ de bataille. Ce sont des plongées à haute décharge d’adrénaline… Pas faites pour tout le monde, d’autant plus que le risque zéro n’existe pas !
Mise au point de la stratégie d'attaque avec Roger...
Après la plongée, on ne s'est pas fait manger !
Corinne non plus !